Séminaire du GEO : « Travestissement masculin et travail du sexe dans le Japon moderne (1868-1945) : entre effacement et sensationnalisme »

Le séminaire du GEO aura le plaisir d'écouter Camille Lenoble (département d'études japonaises, Unistra) sur la thématique suivante : « Travestissement masculin et travail du sexe dans le Japon moderne (1868-1945) : entre effacement et sensationnalisme ».

8 avril 2025
18h 19h30
Atrium AT 9

Lieu et date : 8 avril 2025, Atrium AT 9, de 18h à 19h30

Il est possible de suivre la conférence en ligne via le lien suivant :  https://bbb.unistra.fr/b/del-z0q-rmr-5pq

mot de passe : 683043

Résumé de l'intervention :

Si le travestissement masculin est un motif qui apparaît de façon récurrente dans l’histoire culturelle japonaise (fêtes populaires, arts de la scène, littérature, etc.), il a cependant été associé à une forme de « désir sexuel déviant » (hentai seiyoku) à compter de la période moderne (1868-1945), dans un contexte d’occidentalisation sans précédent des mœurs, notamment via l’importation des discours sexologiques européens qui envisageaient le travestissement comme une forme paroxysmique d’inversion sexuelle. Les discours modernes ont étroitement lié le travestissement avec l’homosexualité et le travail du sexe, d’autant plus que le développement des médias de masse a permis la large diffusion du discours sexologique parmi les couches urbaines du début du XXe siècle. En outre, redécouvrant les mœurs homoérotiques normatives de la période prémoderne (1603-1867), le nanshoku et le wakashudô, les intellectuels les ont réinterprétées au travers du prisme psycho-pathologique. Apparaît dans ce contexte la figure discursive du « kagema », un terme prémoderne désuet remis au goût du jour afin de désigner les travailleurs du sexe travestis des grandes villes durant l’entre-deux-guerres, pris entre un héritage autochtone homoérotique et les nosographies sexologiques modernes sur l’inversion sexuelle. Alors même que la prostitution masculine constituait un non-sujet en droit pénal et un tabou idéologique, les kagema ont fait l’objet d’une couverture médiatique prise entre sensationnalisme, tabou et autocensure. Thème scabreux et perçu comme corrupteur, la prostitution masculine correspond à un phénomène médiatique difficile à circonscrire en raison du caractère lacunaire des sources : peu nombreuses, évasives et incomplètes. Cette communication propose dans un premier temps de revenir sur le traitement médiatique de la prostitution masculine travestie dans les médias japonais de la fin des années 1920 et du début des années 1930, pour ensuite esquisser les cartographies urbaines, les regroupements, les proto-organisations et les contre-cultures des travailleurs du sexe travestis. Bien que lacunaires et biaisées, les sources montrent qu’un insidieux et complexe tissu de socialisations s’était développé à Tôkyô et Ôsaka, rapportant les rapports houleux entretenus avec la police, ainsi que l’entretien de relations interpersonnelles plus ou moins codifiées entre les travailleurs du sexe et leurs clients.